Dans la jungle amazonienne
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De retour en France après ce séjour sur le Sucunduri, il m’est arrivé une chose que je n’avais jamais connue avec aucun autre séjour de pêche à l’étranger : pendant plus d’une semaine, toutes les nuits, j’ai rêvé que je pêchais en Amazonie. Pas de ces rêves plus ou moins vagues ou farfelus. Non, des rêves nets et précis, en tout point conformes à la réalité. J’y étais vraiment...
De tous les voyages de pêche que j’ai eu l’occasion de faire, c’est celui qui m’a fait la plus grosse impression. Je pense pouvoir dire que pêcher en Amazonie est l’accomplissement d’une carrière de pêcheur, je ne vois pas ce que l’on peut rêver de mieux.
Certaines images se sont depuis un peu estompées, mais de nombreuses scènes restent gravées dans ma mémoire, comme si elles dataient de la semaine dernière...
Finalement, ce qui m’a le plus frappé, au delà des paysages parfois somptueux pour qui est amoureux de l’eau, des attaques fulgurantes sur nos leurres, des combats à couper le souffle, c’est cette impression que le terme « jungle » prenait enfin pour moi tout son sens.
Ici, la moindre faiblesse est immédiatement sanctionnée, peu importe la taille de la victime ou son rang dans la hiérarchie de la chaîne alimentaire.
Et quand je dis immédiatement, ce n’est pas une façon de parler : la mise à mort est quasi instantanée, c’est la curée.
Ce que les dauphins, caïmans, tucunarés, cachorra ou pirararas n’auront pas pu attaquer sera mis en charpie par les piranhas et les miettes, s’il en reste, seront vite nettoyées par une nuée de petits poissons tous plus affamés les uns que les autres.
La plupart des poissons ici ont une dentition très performante, et ceux qui n’en ont pas font comme si...
Inutile de dire que pour un pêcheur de carnassiers, un monde où chacun ne songe qu’à manger son voisin ressemble fort au paradis.
À chaque instant le chasseur peut devenir chassé, et ce qui était une paisible lagune baignée par le soleil et le chant d’oiseaux multicolores se transforme en un champ de bataille, sous l’eau c’est la violence et la folie prédatrice à l’état pur !
Comment, après cela, ne pas trouver bien fade la pêche dans nos rivières trop sages ?
Les images se bousculent dans ma tête, mais il est temps de discipliner un peu ce récit !
Le Rio Sucunduri est un sous affluent de l’Amazone, grand à peu près comme la Seine.
Dans sa partie basse, il traverse une très vaste réserve indienne : les parcs de Sucunduri et Guariba qui totalisent 1,12 millions d’hectares. Nous allons pêcher la patrtie haute, en amont de cette réserve.
C’est donc une zone enclavée et peu fréquentée, à laquelle on n’accède pas facilement.
Le voyage est long depuis la France : un vol transatlantique jusqu’à la côte ouest du Brésil (Rio ou Sao Paulo), puis un vol intérieur de plusieurs heures jusqu’à Manaus, où l’Amazone se forme de la célèbre confluence des eaux « noires » (tourbeuses) du Rio Negro et des eaux « blanches » (argileuses) du Rio Solimões.
Un petit avion taxi nous conduit enfin à 135 km plus au sud jusqu’à Nova Olinda do Norte, petite ville de brousse (30 mn de vol).
C’est à partir de là que l’on entre réellement en contact avec la jungle et que les choses passionnantes commencent...
Le Discovery III, petit bateau hôtel, nous attend pour nous faire remonter la rivière jusque sur notre zone de pêche, 200 km plus au sud.
Au passage, on remarque qu’il est amarré très bas par rapport au débarcadère en dur : c’est que nous sommes en fin de saison sèche et que les rivières sont à l’étiage, soit environ 10 m sous leur niveau maximum...
Ces questions de niveau d’eau sont d’une grande importance pour la pêche.
La saison des pluies commence en novembre/décembre dans la partie sud de l’Amazonie, quelques mois plus tard dans la région nord, et elle dure du 4 à 5 mois.
Le niveau idéal est stable (pas de baisse rapide) et juste assez bas pour que l’eau quitte la jungle, qui est partiellement inondée 6 mois par an.
Par hautes eaux beaucoup de poissons pénètrent dans la forêt et la pêche est frustrante : on entant des chasses monstrueuses que l’on ne peut atteindre.
Si le niveau est trop bas, de nombreuses lagunes ne communiquent plus avec la rivière que par un filet d’eau : il faut pousser voire porter les barques pour y accéder, et bien souvent les beaux poissons les ont désertées pour rejoindre le cours principal.
Cette croisière à bord du Discovery dure entre 10 et 15 heures selon la hauteur des eaux, et la majeure partie se déroule de nuit. Le bateau fait route et le soleil décline sur la jungle que nous contemplons de loin, la rivière faisant plusieurs kilomètres de large sur cette portion.
C’est l’heure de notre premier apéritif à base de caïpirinha et pirarucu frit, qui deviendra vite une tradition pour notre groupe au retour de la pêche (la caïpirinha est une variante brésilienne du ti punch, à base d’alcool de canne à sucre, de sucre de canne, de citron vert et de beaucoup de glace).
Le repas avalé, nous regagnons nos hamacs pour une première nuit assez agitée.
En effet, la dernière partie du trajet se fait en eau peu profonde, et les éclaireurs entrent en action.
Ce sont quelques-uns uns de nos guides qui à bord de deux barques sillonnent le fleuve en tous sens quelques centaines de mètre devant nous. L’un deux, assis à l’avant, sonde en permanence avec une perche pour rechercher les passages les plus profonds.
À notre bord, le pilote les éclaire avec un puissant projecteur et manœuvre en fonction des signes qu’ils lui font. Malgré ces précautions nous nous ensablons à plusieurs reprises.
Aussitôt, plusieurs guides sautent dans d’autres barques et avec des cordes s’emploient à nous dégager en marche arrière : il faut trouver un autre passage. Pour eux ce n’est pas une partie de plaisir, et j’imagine qu’ils voient arriver l’aube avec soulagement.
Notre premier lever de soleil a quelque chose de magique. La rivière s’est rétrécie et la jungle, véritable rempart végétal que l’œil ne peut percer, est à portée de main.
Une douce lumière baigne les lagunes lisses comme un miroir, qui communiquent encore avec le cours principal par d’étroits chenaux bordés de bancs de sable.
Mis à part quelques échassiers qui se profilent au loin et quelques oiseaux multicolores qui s’engouffrent dans la jungle à notre approche, aucun signe de vie.
Tout semble étrangement calme et figé, mais à bord l’atmosphère est électrique et je sais que nous ressentons tous la même chose : c’est le calme qui précède la tempête...
Le bateau est bientôt bloqué par des hauts fonds infranchissables, et nous sommes encore à 40 km du camp. Nous allons finir le trajet en barque, tout en pêchant, tandis que nos bagages et le ravitaillement seront acheminés jusqu’au camp par plusieurs navettes de barques rapides.
À mon grand regret je ne puis relater chacune de nos six journées de pêche dans le détail, il faudrait presque écrire un livre ! Chacune d’elle était une nouvelle aventure, avec son lot de découvertes et d’émotions intenses. Pendant cette semaine, j’ai eu l’impression d’être le petit garçon dans un magasin de jouets, qui tremble à l’idée qu’il ne pourra pas tout emporter.
Je vais devoir me contenter de quelques flash-back, sur les moments les plus marquants. Conscient qu’il me faut également délivrer des informations concrètes sur le déroulement de la pêche et sur le matériel, je vais donc aborder la traque des différentes espèces, les images viendront d’elles-mêmes.
Typiquement la journée de pêche débute très tôt, quasiment au lever du soleil, et est consacrée presque entièrement à la pêche aux leurres, avec une pause d’une heure en milieu de journée.
Le coup du soir est consacré à la pêche au posé, ancré dans une fosse.
Compte tenu de la chaleur et de l’intensité de la pêche, je vous garanti que ça fait de grosses journées, et que la nuit s’élevait de notre camp de toile un concert de ronflement à faire pâlir tous les singes hurleurs des environs (le cri du singe hurleur dans la jungle s’apparente aux rugissement d’un tigre de la taille d’un éléphant, quand on ne connaît pas c’est très impressionnant).
Les règles du jeu sont les suivantes : deux pêcheurs par bateau (6 mètres en aluminium avec moteur 25 CV et moteur électrique), plus un guide local connaissant parfaitement les lieux et la pêche.
Chaque bateau explore son propre secteur, on ne pêche pas le même deux jour de suite : les lagunes sont assez nombreuses pour permettre de changer chaque jour. Des journées à thème sont proposées, mais facultatives : pêche d’autres espèces, bivouac, portage pour atteindre des eaux closes, etc.
C’est évidemment lui, le peacok bass, Saint Graal de bien des pêcheurs de carnassiers, que nous recherchions en priorité, même si d’autres espèces méritent aussi le détour, comme nous le verrons.
Ce fabuleux prédateur à la robe incroyable vit en groupe, avec une prédilection pour les lagunes où il peut chasser en eau peu profonde.
Quand il se nourrit activement, le spectacle est impressionnant : j’ai vu des chasses d’une brutalité incroyable, des bancs de poissons giclant sur 50 mètres dans un chaos indescriptible de remous, de gerbes d’eau et de dorsales hérissées. Mais le reste du temps il est assez discret.
La densité et la taille moyenne sont variables d’une lagune à l’autre, et dans une même lagune d’un secteur à l’autre. Les plus gros sujets se tiennent souvent un peu au large ou tout contre la rive si elle est très encombrée de bois mort.
Nous avons estimé le nombre de tucunarés capturés sur le séjour, à 7 bateaux (14 pêcheurs) à environ 2000/2500, soit environ 50-60 captures par bateau et par jour.
C’est une moyenne, puisqu’en fonction de la qualité des secteurs et des pêcheurs, certains bateaux sont montés à 100/jour.
La taille des prises les plus courantes se situe entre 1 et 4 kg, et sur une séjour chaque pêcheur a en principe l’occasion de toucher quelques gros sujets (5 à 7 kg).
Quelques poissons plus gros (estimés entre 8 et 10 kg) ont été ferrés, mais perdus.
Il est clair qu’au-dessus d’une certaine taille, le ratio capture/touche diminue rapidement, pas tellement par casse vu le matériel employé, mais par ouverture des hameçons et des agrafes ou par décrochage.
Aux dire des habitués il semble que les tailles moyennes et maxis soient en augmentation régulière sur le Sucunduri, suite à l’arrêt de la pêche aux filets il y a quelques années.
Le tucunaré se pêche aux leurres durs (le leurre souple marche également, mais il est mis en pièce par les piranhas en quelques lancers).
Selon leur degré d’activité, qui est lié au niveau de l’eau, les leurres de surface sont plus ou moins productifs : stickbaits, leurres à hélice, popper. Lors de ce séjour, les leurres de sub-surface ont étés plus efficaces, mais il faut des modèles qui pêchent dans très peu d’eau car dés qu’on touche le fond on ramasse de la feuille.
Les modèles à bavette sont donc restés dans les boites, au profit des twitchbaits et des jerkbaits sans bavette qui ne s’enfoncent pas.
Les trois modèles les plus réguliers ont été le Buster Jerk II (coloris perche), le Salmo Slider 7 et 10 cm (real shiner, green tiger et yellow sunfish) et les incontournables Zagaia, des leurres brésiliens que l’on peut acheter sur place (6 euros).
J’ai également eu de bons résultats avec le Sride 125 Illex, le Twitching Rap, le Magic Swimmer Sébile coloris peacok.
En fait le secret est qu’il faut animer et récupérer vite. Ce n’est donc pas une pêche en jerking comme pour le brochet (tirées longues et espacées), mais en twitching permanent (secousses sèches et rapprochées) ou en récupération linéaire rapide.
C’est un rythme assez éprouvant à maintenir toute une journée, mais c’est la clef.
Le tucunaré, en dépit de sa brutalité, peut se montrer très sélectif par moment.
J’ai constaté que deux leurres identiques de couleur légèrement différente pouvaient avoir des différences de rendement spectaculaires.
Le premier donne lieu à des fausses attaques (gros remous, leurre qui vole dans les airs) mais n’est pas pris. Le second prend à chaque passage ou presque...
Donc attention à avoir un bon choix de couleurs, principalement dans les tons jaunes, orange, blanc et fire tiger.
Il faut noter que la pêche au fouet est envisageable, avec de gros streamer. Il paraît même qu’elle se révèle parfois supérieure à tout le reste.
Les jigs en poil ou plumes colorés sont également intéressant quand le poisson est peu agressif ou en eau claire. Bref, il faut avoir un peu de tout, mais je le répète, en priorité des twitchbaits et des leurres de surface.
La touche est généralement franche, très bruyante quand l’eau est peu profonde.
Le tucunaré a moins tendance à sauter que le black bass, mais il est très puissant dés qu’il atteint une belle taille, et surtout d’une incroyable rapidité.
Sa spécialité, au ferrage est de partir sur côté comme une fusée sans tirer sur la ligne. On voit le fil se déplacer à 100 à l’heure et on ne sent quasiment rien, il faut moulinet à fond pour garder le contact.
Les plus gros sujets ont tendance à tenir le fond en enchaînant les rushs latéraux tout en force.
En présence d’obstacles l’épreuve de force est inévitable, mais en eau libre je conseille d’enlever du frein pour éviter les ouvertures d’hameçon et d’agrafe, qui sont fréquentes avec de la grosse tresse quand on se fait prendre de vitesse en bout ligne.
Les maillons faibles sont les triples et les agrafes. Pour donner une idée, un tucunaré de seulement 3 kg que j’ai dû brider dans les branches avec un Sride (3 triples Owner ST46 n° 2) : je l‘ai eu mais il m’a rendu le leurre avec un triple cassé et les deux autres ouverts...
Nous sommes plusieurs à nous être fait ouvrir et rectifier des agrafes pourtant fortes (y compris des Decoy). Il semble qu’il parvienne parfois à les ouvrir en serrant les mâchoires. Peut-être y aurait-il intérêt à supprimer l’agrafe une fois qu’on a trouvé le bon leurre.
Ce curieux et magnifique poisson possède un corps très allongé recouvert de grosses écailles, une gueule aussi bizarre que démesurée, et deux barbillons qui affleurent à la surface quand il nage, ce qui permet de le repérer.
Il se révèle passionnant à pêcher. En fait c’est un insectivore qui ne se nourrit qu’en surface et qui patrouille en petits groupes. Quand il atteint une bonne taille (70 cm à 1m) il devient carnassier et attaque brutalement les leurres de surface.
L’idéal est de lancer le leurre en douceur juste au milieu de groupe. La réaction est foudroyante.
C’est un excellent sauteur (il saute souvent pour attraper des insectes hors de l’eau), et le combat est spectaculaire, mais les grands bonds au-dessus de l’eau se terminent très souvent en décrochages.
Une après midi, avec Nico, nous sommes tombés sur un secteur où il y en avait beaucoup, et nous nous sommes éclatés comme des gamins à les traquer à vue au popper. Mais au final le ratio était de 1 poisson sorti pour 5 piqués… frustrant !
En principe, le célèbre poisson à dents de chien ne fait pas partie du programme de ce séjour, car il est rare sur le Sucunduri où les rapides font défaut. Mais nous avons eu la divine surprise de trouver un spot où il se trouvait en très bonne densité.
En fait Nico et moi nous sommes ancrés en tête d’une grande fosse pour faire le coup du soir au pirarara. Les touches se font attendre, et 100 m en aval, sur la fosse, des chasses éclatent en surface à intervalles réguliers.
Notre guide se met à baragouiner quelque chose en portugais, mais tout ce que je comprends est « peixe grande » (gros poisson).
C’est assez pour nous décider à aller voir ça de plus près. Nous accostons sur un banc de sable pour pêcher la fosse du bord.
Très vite nous enregistrons quelques touches hyper violentes, mais à chaque fois le poisson se décroche en quelques secondes avec un remous en surface.
Je monte un XRap 14 cm fluo, pour lancer un peu plus loin, et après quelques lancers, je me fais atteler. J’enchaîne trois ferrages de bûcheron, et cette fois ça à l’air de tenir. Je n’ai jamais rien tenu de semblable, ça saute et ça part dans tous les sens à une vitesse incroyable, ça reprend 20 m de tresse à chaque démarrage, un combat de fou.
Finalement il finit par se rendre, le guide le saisit à la pince : c’est un cachorra de 9 kg ! Les guides sont fous de joie et demandent à garder le poisson (ils en font une soupe très appréciée).
Bien que la nuit soit tombée nous continuons à lancer au jugé, car sur la fosse ça pète de partout. Nous en décrochons plusieurs et Nico finit par en sortir un, plus petit.
Quand on voit la dentition incroyable de ce poisson, qui est un tueur de piranha, on comprend mieux les décrochages à répétition... Le lendemain, sur la même fosse, d’autres sujets seront pris, dont un magnifique 11 kg par Jean-Luc, un habitué de l’Alaska, qui compare sa défense à celle du saumon king.
Inutile de prévoir un matériel spécifique puisque sa présence est aléatoire, mais autant avoir quelques beaux leurres à bavette style XRap 14, Bfreeze 128, etc. ou de gros stickbaits.
On trouve en Amazonie de nombreuses variétés de poissons chats de tailles diverses.
L'un des plus recherchés pour sa taille et sa défense est le pirarara, silure à queue rouge ou "red tail catfish".
Il atteint un poids maxi de 45 kg, c'est un poisson court mais râblé à la musculature impressionnante. Sa peau est caoutchouteuse et non gluante, comme celle d'un dauphin, et quand on le sort de l'eau il émet des sons ressemblant à des grognements ou des petits cris.
C'est un des poissons phares de cette destination, avec le tucunaré, et on lui consacre les coups du soir, voire plus si affinité.
Il se pêche ancré sur une fosse, à soutenir avec un gros morceau de poisson ou un vif sur du matériel XXH.
Il se ferre seul et mieux vaut bien tenir la canne à la main, car le premier départ est foudroyant, on a l'impression d'avoir accroché un TGV.
Ce n'est donc pas sa pêche proprement dite mais le combat qui est motivant, encore que l'on apprécie de se « poser » un peu après une journée de traque sans relâche.
Il a ses moments : on peut attendre une heure et demi sur une fosse sans avoir de touche, puis en avoir cinq en vingt minutes.
Un conseil : prévoyez suffisamment de plombs (50-80 gr) et d'hameçons de rechange, de préférence un modèle pas trop coûteux, car les piranhas se jettent sur les morceaux de poisson et dans l'excitation finissent immanquablement par couper la ligne.
Mieux vaut prévoir des bas de ligne en acier solide, mais vous en perdrez quand même, car ils coupent au-dessus du plomb. Quand le pirarara se pointe les piranhas disparaissent, c'est un de leurs prédateurs.
Leur voracité est à la hauteur de leur réputation, mais leur dangerosité, sans être nulle évidemment, est très exagérée et relève du fantasme, liée au fait qu'il attaque sans hésitation des proies de toute taille.
Ceci n'est pas dû à une agressivité hors du commun mais à son mode d'alimentation : il ne cherche pas à avaler ses proies mais juste à prendre une bouchée. Partant de là la taille de la victime importe peu, et c'est pourquoi il est fréquent de ramener un gros poisson avec les nageoires rognées.
Mais il n'attaque que des animaux en difficulté, sinon tout aurait disparu depuis longtemps. Les locaux se baignent sans crainte dans les eaux où il foisonne, et j'avoue qu'il m'est arrivé d'en faire autant, écrasé par la chaleur.
Ce qui est sûr c'est que quand il se déchaîne ça va très vite. J'ai vu un poisson pris au leurre se faire mettre en pièces avant d'être rendu au bateau, et l'un des assaillants se piquer à son tour sur le leurre, le tout en moins de 15 secondes, sans même que le pêcheur ne se soit aperçu de la substitution. Sans les lambeaux de la première victime encore piqués sur un triple, le forfait passait inaperçu !
Les piranhas sont une véritable plaie pour le pêcheur au posé. L'appât est à peine arrivé au fond que l'on ressent les premiers tocs rageurs, et en moins d'une minute un morceau de poisson de 200 gr est nettoyé.
En fait quand on ne sent plus rien, il est temps de remettre un appât, et on s'estime heureux quand on ne s'est pas fait couper le montage au passage.
La solution dans ces cas là est de pêcher un piranha sur un hameçon plus petit (avec acier) et de s'en servir comme vif. Ses congénères semblent hésiter à l'attaquer, du moins pendant un certain temps. Toute autre espèce est mise en pièce rapidement.
À noter que certains piranhas atteignent une taille intéressante (1-2 kg) et se prennent aux leurres. Leur défense est remarquable, mais attention aux morsures lors du décrochage : ce n'est pas un hasard si les fish grips (pinces à poissons) sont fabriqués au Brésil...
Cette variété d'eau douce semble très proche de la pastenague, et la piqûre de son aiguillon est réputée encore plus douloureuse avec risques de nécrose.
De plus son mimétisme rend sa détection délicate. Attention donc quand vous marchez dans l'eau pour pousser la barque à l'entrée d'une lagune, c'est le genre de secteur qu'elles affectionnent. En principe elle s'enfuit à votre approche, mais ouvrez l'oil.
Il m'est arrivé d'en prendre une en pêchant le pirarara au posé : un conseil, laissez le guide s'en occuper ou coupez le bas de ligne.
Il existe en Amazonie le plus grand dauphin d'eau douce : le dauphin rose, appelé boto. Nous n'en avons pas vu, en revanche nous avons vu de très près nombre de tucuxis (prononcer "toukoushi"), espèce marine qui remonte très haut en rivière. Apparition fort sympathique tant qu'ils ne se mettent pas en tête de suivre votre barque à la trace pour attaquer systématique les peacoks que vous remettez à l'eau, dans une vague à soulever le bateau !
J'avoue que les premières fois, quand on ne s'y attend pas, ça fait un choc. Heureusement, ils savent très bien faire la différence entre un poisson qui se débat au bout d'une ligne, qu'ils n'attaquent jamais, et celui qui vient d'être relâché, qui est attaqué systématiquement et poursuivi sans relâche. Quasiment rien ne leur échappe. La parade consiste à bien réoxygéner une prise avant de la relâcher, voire même à aller lui rendre sa liberté en eau trop peu profonde pour les dauphins.
Il en existe plusieurs espèces, la plus commune étant le jacaré, qui mesure jusqu'à 3 m et est très commun.
Mais si vous apercevez une grosse souche qui dépasse de l'eau au milieu d'une lagune, ne vous précipitez pas en pensant « chouette, ça doit faire un super poste de pleine eau », car il y a de fortes chances pour qu'il s'agisse d'un caïman noir (jusqu'à 6 m, soit la longueur de nos barques) qui fait sa sieste et qu'il vaut mieux laisser tranquille à moins de vouloir finir dans la rubrique fairs divers...
Le jacaré est assez craintif, du moins dans les petites tailles, car pourchassé par les pêcheurs au harpon.
Il est relativement facile à prendre à la ligne à vue avec un leurre flottant, car il est attiré par la moindre vibration à la surface de l'eau ou dans la végétation de bordure. Mais si l'expérience vous tente choisissez en un de taille raisonnable, sinon votre canne n'y résistera pas.
Je précise que cette « pêche » ne présente pas d'autre intérêt que celui de faire une photo choc pour épater sa petite amie.
Ici il est de règle de parler des espèces en employant leur nom local, qui est tiré du tupi, dialecte amérindien. C’est ainsi qu’on ne parle pas de peacok bass ou de poisson chien mais de tucunaré ou de cachorra.
Plusieurs noms d’espèces comportent le préfixe « pira », qui signifie « poisson », suivi d’un terme descriptif imagé. C’est bien sûr le cas de l’incontournable et bien nommé piranha (nha = dents), mais aussi du pirarucu (rurucu = rouge), plus connu chez nous sous le nom d’arapaima.
Lors de ce séjour nous avons capturé une quinzaine d’espèces différentes, certaines de façon anecdotique ou accidentelle, d’autres au contraire de façon régulière.
Nom local : Acará-açu
Nom international : oscar
Nom scientifique : Astronotus spp
Nom local : Aruanã
Nom international : Arawana
Nom scientifique : Osteoglossum bicirrhosum
Nom local : Bicuda
Nom scientifique : Boulengerella spp
Genre de petit brochet, très vorace.
Nom local : cachorra
Nom international : payara
Nom français : poisson à dents de chien
Nom scientifique : Hydrolycus scomberoides
Nom local : caparari
Nom international : tiger sorubim
Nom scientifique : Pseudoplatystoma tigrinum
Nom local : jacunda
Nom français : creni (aquariophilie)
Nom scientifique : Crenicichla spp
Nom local : Matrinxã
Nom scientifique : Brycon spp
Nom local : piranha
Il en existe de nombreuses espèces réparties en trois genres.
Nom local : pirarara
Nom international : redtail catfish (poisson chat à queue rouge)
Nom scientifique : Phractocephalus hemioliopterus
Nom local : traíra
Nom international : trahira
Nom scientifique : Hoplias malabaricus
Genre d’aimara nain (20-40 cm) qui attaque tout ce qui bouge.
Nom local : tucunaré
Nom international : peacok bass
Nom scientifique : cichla spp
Il existe au moins 8 espèces : monoculus, temensis, ocellaris, etc.
Nom commun : geophagus
Nom scientifique : geophagus spp
Poisson fourrage, capture accidentelle.
Nom local : arraia de fogo (raie de feu)
Nom international : Ocellate river stingray
Nom scientifique : Potamotrygon motoro
Équivalent eau douce de la pastenague
Sélection de leurres qui ont bien fonctionné :
Jerkbaits : Buster Jerk II (coloris C78), Salmo Slider 7 et 10 cm (real shiner, green tiger et yellow sunfish)
Twichbaits : Zagaia, leurres brésiliens que l’on peut acheter sur place (6 euros), Twitchin’ Rap.
Stickbait : Super Spook en tête, Saltiga Pencil, Tango Dancer, Z-Claw, etc.
Popper : Ratlling Chug Bug 11 cm
Swimbaits : Illex Sride (à twitcher), Sébile Magic Swimmer coloris peacok.
Canne : spinning ou casting, bonne lanceuse et avec grosse réserve de puissance, mais surtout pas une trique. Une canne genre tropicale light est parfaite. J’ai utilisé : Pezon et Michel Power Feeling, elle est parfaite pour cette destination.
Moulinet : un bon 4000 pour le spinning, en casting Abu Revo (pour le frein) ou Shimano Calcutta.
Pour la mouche canne 9 pieds soie flottante et intermédiaire de 7/8 ou 8/9, poppers, gros streamers jaunes, oranges, bleus, gris.
Ligne : tresse 40 lbs + pointe en nylon ou fluoro 60-70/100 (les guides tirent dessus, donc il faut du solide). J’ai utilisé : Tresse Monster YGK 40 lbs (très bien) et shock leader nylon YGK 80 lbs (excellent et se noue facilement, pas besoin de sleeves).
Hameçons : il faut changer triples et anneaux brisés d’origine pour monter du solide à la place : Owner ST56 ou VMC Fish Fighter. J’ai utilisé : Owner ST46, et c’est trop faible.
Canne 2m stand-up 30lbs ou canne à silure, moulinet très solide, tresse 65 lbs, hameçons simples 6 à 10/0, bas de ligne nylon ou fluorocarbone 100 à 150 lbs ou acier 40-50 kg, plombs olives 80 gr, émerillons baril 175 lbs.
Il est établi sur une île le jour de notre arrivée, et démonté entièrement après notre départ.
Et pourtant, quel confort : tente individuelle avec matelas et draps, WC, douches et lavabo, service de blanchissage quotidien, etc.
La nourriture est d'excellente qualité, les boissons (sodas, bière et caïpirinha) sont à volonté et sans supplément.
Dans un tel contexte, où tout doit être amené sur place, y compris les deux tonnes de glace, c'est un tour de force.
Chaque barque est munie d'une glacière qui est remplie de glace chaque jour, de sorte que l'on a des boissons fraîches toute la journée, et croyez-moi c'est appréciable sous ce climat chaud et humide où l'on transpire abondamment.
À noter qu'en cas de problème, le camp dispose de téléphones par satellite.
Autre point qui mérite d'être mentionné : il n'y a quasiment pas de moustiques, les eaux acides n'étant pas favorables à leur développement.
Le repas du midi est pris sur la berge. Les guides allument un feu et préparent un « shore lunch » à base de filets de tucunarés grillés et de salade. Après ça une petite sieste dans un hamac tendu à l'ombre, et l'on est de nouveau prêt à affronter une longue après midi de pêche.
Je ne peux conclure ce récit sans un mot pour notre hôte et nos guides. L'hôte et organisateur du séjour, c'est Rubinho, une véritable star de la pêche au Brésil, manager attentionné mais ferme, et pêcheur accompli.
Il s'est notamment spécialisé dans les pêches sportives du peacock bass aux leurre ou à la mouche.
Les guides sont des « caboclos » (métis indien-européens) des villages qui bordent la rivière. Ils parlent un jargon à base de portugais, mais entre pêcheur on arrive toujours à se comprendre.
Ce sont des virtuoses de la machette, qui vous montent un camp de fortune en 10 minutes.
Habitués à pêcher à vue, à l'arc ou au harpon, dés leur enfance (on croise régulièrement des gamins de 10 ans sur des coquilles de noix avec des harpons à caïman.), ils possèdent une connaissance des poissons hallucinante.
Par exemple vous ferrez un poisson, et instantanément ils vous annoncent l'espèce et le poids. À quelques centaines de grammes près ils se trompent très rarement.
Assis tranquillement à l'arrière du bateau ils vous indiquent parfois de lancer dans une direction en disant « tucunaré grande » ou « aruanà ».
Debout et avec des polarisantes vous avez beau plisser des yeux, vous ne voyez absolument rien qui puisse trahir la présence d'un poisson, pourtant il y est. Je n'ai pas encore compris comment ils faisaient...
Voir le diaprorama (plus de 350 photos)
Vidéos :
Une attaque de fou !
Caïman
Combat peacock 1
Combat peacock 2
Combat avec un pirarara pris au vif avec un piranha (on entend distinctement le poisson grogner)
Merci à Nico pour les vidéos, et à tous ceux qui ont accepté de partager leurs photos de ce voyage
Ce voyage est proposé en exclusivité par l'agence World Predator Fishing. Le prix est de 3 200 euros par personne pour 11 jours, 10 nuits et 6 jours de pêche.
Pour plus de précisions contacter Alain Cavard : Tél. 0046 738 567 353 -
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