Brochets aux gros jerkbaits
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Mon métier de journaliste halieutique m'a donné la chance de pêcher quelques-uns des meilleurs biotopes au monde pour le brochet : Grand Lac des Esclaves dans les Territoires du Nord-Ouest canadien, Lake of the Wood dans l'Ontario, Delta de la Volga, grands lacs espagnols et bien sûr Irlandais. Tous ces voyages m'ont permis de découvrir des eaux très riches où les prises sont nombreuses et les beaux sujets relativement fréquents. Mais ce séjour récent en Baltique est celui qui m'a laissé la meilleure impression quant à la taille moyenne des prises et aux chances de capture d'un gros spécimen (disons 10 kilos et plus). Cette richesse s'explique par la qualité et l'immensité du biotope d'une part, mais aussi par une fréquentation modérée et une gestion rigoureuse de l'effort de pêche (pas de prélèvements, traîne interdite).
Pourtant ce séjour n'est pas celui, loin s'en faut, ou j'ai pris et vu prendre le plus de brochets. Il faut dire que le petit groupe de huit pêcheurs que nous formions a joué de malchance pour ce qui est des conditions météo. Oui je sais, c'est un refrain bien connu, mais là c'était franchement le pompon, et je n'ai pas le souvenir d'avoir autant souffert du froid lors d'un voyage de pêche. La semaine du 8 au 15 avril, avant notre venue c'était "presque" l'été, avec un temps calme et ensoleillé, des températures de 17° et des scores impressionnants en taille comme en nombre. La veille de notre arrivée un front froid et une bise du nord glaciale firent chuter la température de l'air autour de zéro, et celle de l'eau dans une fourchette de 3 à 7° selon les secteurs. De quoi couper net l'entrain des brochets. Et des pêcheurs les moins motivés.
Et, de fait, nous avons connu des moments difficiles, de longues périodes d'inactivité, sans un poisson à se mettre sous l'objectif, ou encore des journées où de nombreux et parfois très beaux brochets suivaient nos leurres sans attaquer : on se serait presque cru à la pêche du musky (en même temps cela nous donnait un aperçu du cheptel).
Mais dans des eaux très riches, même quand les conditions sont exécrables, il y a toujours du poisson à prendre. Je dirais même que c'est quand la pêche est ingrate que l'on se fait une idée réaliste sur la véritable valeur d'un site de pêche.
Dans des circonstances aussi défavorables, nous avons réussi à faire aussi bien, sinon mieux, que ce qu'un groupe peut faire ailleurs dans des conditions "normales". J'ai tenu le compte au jour le jour des captures faites par notre groupe, un groupe moyen qui comptait des pêcheurs plus ou moins aguerris, et même de quasi débutants. Le total des prises se monte à 186 brochets pour 6 jours de pêche, répartis ainsi : 32 poissons entre 50 à 60 cm, 54 entre 60 et 70 cm, 39 entre 70 et 80 cm, 39 entre 80 et 90 cm, 17 entre 90 et 100 cm (dont 3 frôlant le mètre), et 5 poissons de plus du mètre (102, 104, 104, 110 et 113 cm).
Les habitués des voyages de pêche au brochet savent qu'il est assez rare qu'un groupe fasse plusieurs poissons de plus du mètre dans une semaine, et encore plus rare qu'il parvienne à prendre presque 80 poissons entre 70 cm et 1m.
Une bonne façon de se faire une idée de ce qui se prend à Vastervik consiste à visiter régulièrement le site Internet du camp de pêche : www.vestervik.com (cliquer sur "News 2005"). Les comptes rendus journaliers sont en anglais, mais certaines photos parlent d'elles-mêmes. En fait, il se prend presque systématiquement plusieurs brochets de 100 à 115 cm par jour, sur l'ensemble des clients du camp (10 à 20 bateaux en moyenne). Alain Cavard, l'organisateur et accompagnateur de notre groupe, en était à son sixième séjour, et il n'arrêtait pas de fulminer : c'est la première fois qu'il repartait sans avoir fait au moins un brochet "du mètre".
Bref on aura compris que Vastervik est une destination à gros poissons, et sans doute l'un des endroits au monde où vous avez le plus de chances de battre votre record personnel, surtout si la météo est de votre côté. À titre d'exemple, lors de la première semaine de mai 2005, un client du camp, Jan Søndberg, a réussi l'exploit de prendre deux poissons de 1,30 m à quelques jours d'intervalle. Voilà de quoi faire rêver un pêcheur hexagonal plutôt habitué aux poissons de 60-70 cm.
La qualité du peuplement s'explique, je le disais plus haut, par les caractéristiques un peu exceptionnelles du biotope. En effet, on ne pêche pas en eau douce mais en mer baltique, dans un immense archipel de 4500 îles et îlots, où l'eau est saumâtre. Mais à vrai dire le milieu ressemble à s'y méprendre à un immense lac ou alternent les zones rocheuses profondes et les innombrables baies, parfois grandes de plusieurs dizaines d'ha, bordées de roselières et tapissées d'herbes, ou plutôt d'algues souvent recouvertes de coquillages marins. La profondeur y varie de 0,5 à 3 ou 4 m, et il s'agit bien évidemment de frayères exceptionnelles, mais aussi de zones de chasse à certaines périodes de l'année, notamment pour les sujets de taille moyenne (jusqu'à 85-90 cm). Selon les secteurs et le vent, l'eau peut être piquée ou au contraire cristalline. On a alors l'immense plaisir de voir les brochets attaquer, ou simplement de les compter, posés sur le fond, lorsque la barque progresse.
La nourriture est abondante, car les espèces marines et d'eau douce se côtoient, de sorte que les brochets bénéficient d'une alimentation riche à tous les stades de leur croissance. Alevins de gardons, perches, tanches et brèmes dans les baies peu profondes servant de frayères, et plus tard gros bancs de harengs qui ont fait la réputation de la mer Baltique, et qui se tiennent plutôt au large, sur des structures de type récif ou eaux fonds de pleine eau. Cette croissance rapide est assortie d'une pression de pêche maîtrisée et de prélèvements quasi nuls (la leçon du pillage des eaux et de l'effondrement de la pêche aux environs de Stockholm à été bien assimilée ici, et les guides sont très pointilleux sur le traitement réservé aux poissons).
Le décor ne serait pas complet si je ne mentionnais les forêts de résineux à perte de vue, les innombrables espèces d'oiseaux d'eau qui passent l'été ici (cygnes, oies, canards de toutes sortes, foulques, cormoran et j'en passe). D'ailleurs d'une manière générale la Suède semble très giboyeuse : entre l'aéroport de Skavsta, à 100 km au sud de Stockholm et le camp de pêche (2 heures de routes), j'ai compté plus d'une cinquantaine de chevreuils paissant tranquillement au bord de l'autoroute. Les faisans, lièvres et grives se promènent en plein jour un peu partout, nous nous amusions à les observer de la fenêtre du lodge. Bref, celui qui aime la nature et la vie sauvage trouvera ici un petit paradis.
Mais revenons à nos moutons, et au séjour proprement dit. La pêche à Vastervik se déroule par équipe de deux pêcheurs en barque de location, des canots suédois propulsés par des moteurs de 15 cv 4 temps. Des cartes marines sont fournies, sans lesquelles on aurait tôt fait de se perdre dans ce labyrinthe, et qui donnent de précieuses indications sur les profondeurs, les baies, etc. À ce sujet, j'ouvre une parenthèse : avant de m'y rendre, j'avais entendu des propos mitigés quant à la qualité de la pêche en Baltique, qui est parfois décrite comme "difficile" ou "aléatoire". Le fait est qu'il s'agit d'un très grand biotope, et que le pêcheur habitué à pêcher en étang ou en rivière, et que l'on lâche au milieu de cette immensité, risque d'être désorienté. Ici les poissons obéissent à des macro phénomènes (météo, nourriture, vent), et certaines zones peuvent être désertes ou très faiblement peuplées, ou encore peuplées uniquement de petits poissons, etc. Par exemple en début de saison il faut chercher les baies puisque tous les brochets s'apprêtent à frayer, et donc sont contraints de venir au bord. Mais toutes les baies ne se valent pas, car il existe des écarts de températures important d'un secteur à l'autre. Sitôt le frai achevé la plupart des gros spécimens repartent en pleine eau à la recherche des bancs de harengs et de la sécurité d'eaux plus profondes. On les trouve alors sur des plateaux profonds de quelques mètres, ou a proximité de barres rocheuses émergentes, ou encore (plus tard en saison) sur des tombants profonds de 6 à 15 m. On comprend donc que la clef du succès réside dans une prospection variée, et une capacité d'adaptation.
Heureusement il est possible de louer à la journée les services d'un des guides professionnels du camp, comme Anders Forsberg (le "boss") ou Daniel Hwasser. Ils sont équipés de bateaux très rapides qui leur permettent de vous amener sur des secteurs lointains où la pression est quasiment nulle et où la pêche se révèle en général spectaculaire. Il vous en coûtera environ 100 euros par personne pour la journée, sur la base de 2 ou 3 pêcheurs, soit un peu moins qu'une journée de guidage en France. C'est en leur compagnie que nous avons touché nos plus gros poissons, et bien qu'elle soit facultative, je crois qu'une journée de guidage en début de séjour vous donnera le moral, la confiance et la sérénité nécessaire pour tout le reste de la semaine (sérénité car vous aurez sans doute pulvérisé votre record d'entrée de jeu, ce qui vous ôtera la pression de vouloir réussir à tout prix). De plus, ils vous montreront les techniques qui marchent, les leurres du moment, le type de poste à rechercher, le style d'animation, etc.
Puisque j'en viens à parler technique et leurres, autant dire tout de suite qu'à Vastervik il convient de pêcher assez gros. Je parle de la taille des leurres. Vous pouvez laisser à la maison les cuillers n°4, les poissons nageurs ou les leurres souples de 10 cm. Ce n'est pas qu'ils ne prendraient rien, mais c'est que vous vous livreriez à une véritable boucherie. En effet, ces brochets attaquent souvent avec avidité, et même avec des leurres de 15-20 cm nous avons eu de la casse, y compris sur des poissons de 60 cm qui avaient "engouffré" tout le jerkbait, et avaient un gros triple planté dans les branchies. D'ailleurs en été, quand les brochets sont au plus fort de leur activité alimentaire, les guides enlèvent l'hameçon de queue pour remédier à ce problème.
Les deux techniques les plus pratiquées ici, car ayant largement fait leurs preuves, sont la pêche avec de gros jerkbaits (poissons nageurs dépourvus de bavettes que l'on anime par tirées entre deux eaux), et la pêche avec des leurres souples de type shad ou swimbait. Quelques modèles de jerkbaits sortent du lot, notamment le Buster Jerk (fabuleux leurre suédois introuvable en France) et le Zalt. Pour les leurres souples des shads de 15-20 cm sur tête plombée 10-15 g avec triple voleur sont recommandés, et le Bull Dawg, un gros swimbait coulant, se révèle particulièrement redoutable quand le brochet se tient en profondeur.
Tous ces leurres ne sont pas forcément vendus en France, mais le Buster Jerk est depuis peu importé par la société Smith Europe. Vous pouvez donc le trouver dans quelques magasins bien achalandés. Pour les autres modèles (Zalt, Bulldawg, etc.) il y a internet. Le camp de pêche de Vastervik possède une petite boutique qui vend les meilleurs modèles dans des couleurs éprouvées. En revanche prévoyez des hameçons triples de rechange, car quand le poisson est piqué profond les guides sortent les pinces coupantes et mettent l'hameçon en morceaux.
Ce n'est pas le moindre des charmes de cette destination, que de nous initier à l'utilisation de leurres inédits, avec un matériel bien spécifique. Je vous conseille de ne pas partir avec trop d'a priori sur les techniques que vous allez employer, mais plutôt d'être réceptif, sur place, aux conseils qui vous seront prodigués. Ce conseil est valable pour toutes les destinations, mais je crois encore plus pour celle-ci. En vous obstinant à pêcher "comme à la maison", vous vous exposeriez à passer à côté de la pêche, ce qui serait vraiment un comble dans un lieu aussi riche en gros poissons.
- Leurres : Voici une petite liste (non exhaustive) de modèles disponibles en France et qui me semblent adaptés à la situation : Buster Jerk et Belly Buster, Super shad Rap coulant, Runt (Fox), Slider (Salmo), Bomber Long A (classique ou articulé), quelques leurres de surface du genre gros stickbait (inutile en début de saison), gros spinnerbait comme l'excellent Curl Tail Spin Shad (Storm), et des shads de 15-20 cm sur tête plombées 10-15 gr (évitez les montures à deux triples à cause des herbiers).
- Cannes : l'idéal pour cette pêche aux gros jerkbaits est une canne casting spéciale de 1,80 m à 2,10 m, raides et puissantes, comme la Luremaster 2,10 m 30-90 g (Fox), ou l'Hypercast 40-120 g de Quantum. Mais la palme revient à la Rozemeijer Jerk It, qui a le gros avantage d'être en deux brins, ce qui est un gros atout pour le transport, notamment en avion. Il en existe deux modèles, la 1,95 m, puissance 80 à 120 gr, et la 2,10 m, puissance 60 à 100 gr (cette dernière me semble préférable).
Si vous êtes réfractaire au casting, je vous recommande deux cannes spinning parfaites pour ce type de pêche, dans la série Adrénaline de la marque Aston, la 50-120 g et la 70/150, en 2,00 et 2,10 m (deux brins).
- Moulinet : un modèle casting à grosse capacité comme le Abu Ambassadeur 6501 si vous optez pour un nylon de gros diamètre. Si vous pêchez en tresse (genre 25/100), ce qui me semble préférable, un modèle plus petit est envisageable. Notre guide pêchait d'ailleurs avec un Shimano Curado.
En spinning, n'importe quel modèle pour le lancer mi-lourd peut convenir, avec un bon frein et si possible une récupération pas trop rapide.
- Bas de ligne : ce type de leurres demande des bas de ligne métalliques assez raides et très solides (15 kg étant un strict minimum). La raideur permet de limiter les risques de bouclage lors de l'animation. Vous pouvez fabriquer vos propres avançons en corde à piano 80 à 10/100, avec une grosse agrafe d'un côté et un émerillon baril de l'autre. Si vous optez pour des bas de ligne classiques en acier toronné, prévoyez-en une bonne réserve (2 ou 3 par jour de pêche) car ils tire-bouchonnent vite. Personnellement j'ai utilisé des bas de ligne acier gainé souples de la marque Fox, et je n'ai pas eu à m'en plaindre, même si leur longévité est moindre que celle d'un avançon semi-rigide, elle reste très honorable (ne n'en ai consommé que 4 sur le séjour).
- Autres accessoires utiles : pinces à long bec ou pince pistolet, pinces coupantes fortes, lunettes polarisantes, crème solaire (si si !), crème Nivéa, pansements et antiseptique pour les inévitables coupures par les dents des brochets, appareil photo, téléphone portable.
Une des particularités de la pêche du brochet en Baltique, c'est qu'elle est saisonnière et assez limitée dans le temps : d'avril à mi-juin, et de septembre à fin novembre. La saison débute début avril, avec des poissons venus sur les bords en prévision du frai. C'est la période des poissons trophées (femelles pleines d'oufs), la plus prisée des chasseurs de records. Inconvénients : eaux froides, poissons peu agressifs et peu combatifs. Après le frai (début mai), les gros brochets s'alimentent activement sur les bancs de harengs venus frayer eux aussi à la côte, et la pêche peut être spectaculaire (poissons agressifs). En été la pêche devient difficile, les brochets se tenant dans les profondeurs ou carrément au large en pleine eau. En automne, ils se rapprochent à nouveau des bords et s'alimentent activement, c'est une des meilleures périodes de l'année avec des poissons en super condition. Le concours international de Vastervik est d'ailleurs organisé chaque année à cette période.
Ce séjour est proposé par Alain Cavard, de l'agence World Predator Fishing : Email : info@worldpredatorfishing.com, site Web : www.worldpredatorfishing.com
Formule séjour (c'est-à-dire groupe accompagné), 8 jours / 7 nuits / 6 jours de pêche pour 1000 euros comprenant :
Vol AR au départ de Beauvais (au nord de Paris). Transfert jusqu'au camp de pêche de Vastervik en voiture de location. Hébergement dans des gîtes (chalets tout confort au bord du lac, à quelques minutes des bateaux). Location des barques avec moteur thermique 15 cv. Assistance linguistique et halieutique par l'accompagnateur.
Non compris dans le forfait : l'alimentation (le groupe fait ses courses et la cuisine), la boisson, le carburant pour la voiture et les barques, la location facultative d'un moteur électrique et d'un sondeur, les journées de guidage facultatives (guides suédois). En prenant toutes les options (moteur électrique, sondeur, une journée de guidage, quelques leurres, etc.), une semaine-type revient à environ 1200 euros (8000 F).
cette compagnie d'aviation offre des vols bon marché pour la Suède, mais tend à se rattraper sur les "extras". L'enregistrement d'un tube de canne est facturé 50 euros aller-retour (en plus du billet). Si possible prévoyez de partager un tube pour deux ou trois pêcheurs. Vous êtes limité à 15 kg en bagage enregistré, plus 10 kg en bagage à main. Veillez à ne pas dépasser sinon il vous en coûtera 10 euros par kilo supplémentaire. Les leurres avec hameçon, les moulinets avec fil et tous les instruments métalliques (pinces, ciseaux, etc.) sont refusés en cabine et doivent être mis en soute. Pas de canne en cabine non plus.
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