L'art de la dandine |
Car il est possible de pousser les poissons, notamment les perches, dans leurs derniers retranchements. On a parfois l'impression de les prendre "contre leur gré", grâce à des manoeuvres subtiles et perfides auxquelles elles succombent bien malgré elles. Souvent elles tapent, se piquent et se décrochent plusieurs fois avant de se faire prendre pour de bon. C'est le jeu du chat et de la souris...
Il est important de bien comprendre les règles d'animation, car elles s'appliquent à la plupart des leurres à dandiner et je n'y reviendrais donc plus par la suite.
L'action de pêche à la dandine consiste à laisser couler le leurre jusqu'au fond, puis à l'animer par une succession de tirées sèches et de relâchés dans un plan vertical ou proche de la verticale.
Chaque tirée décolle le leurre du fond, chaque relâché le laisse retomber en chute libre. "En chute libre" : c'est important avec certains leurres qui ne travaillent qu'à la descente et ne doivent donc pas être bridés par la tension du fil.
Le poisson attaque soit à la descente, soit sur le fond (pendant le bref instant où le leurre reste immobile avant la tirée suivante), soit à l'instant précis où il amorce cette remontée.
S'il prend sur le fond ou à la remontée le ferrage est quasi automatique puisque l'on est en phase de traction. S'il prend à la descente le ferrage est nécessaire, mais encore faut-il voir la touche. Nous en reparlerons.
Si après quelques minutes de cette animation on n'a enregistré aucune touche, on se déplace et on essaie un peu plus loin, sur un autre poste connu ou supposé.
Beaucoup de pêcheurs croient maîtriser la dandine, mais si on les regarde faire on s'aperçoit qu'ils commettent de grosses erreurs et finalement ne prennent vraiment du poisson que quand ça mord à tout va.
Il y a des jours fastes où tout réussit, mais la plupart du temps il en va autrement et après les premières captures toujours faciles les touches s'arrêtent. Sont-elles parties ? Rien n'est moins sûr, il est probable qu'il en reste mais qu'elles se méfient.
C'est là que la bonne maîtrise de la dandine fait une différence parfois considérable et que le spécialiste continue à "extraire" régulièrement du poisson (non sans mal parfois) tandis que le novice conclue que "aujourd'hui y'a rien à faire"...
Passons en revue les principales erreurs à éviter:
Le mauvais pêcheur à la dandine se reconnaît à 200 mètres, à ses ferrage appuyés et ininterrompus.
Rrran, Rrran, Rrran ! Qu'est-ce qu'il leur met, les pauvres doivent en attraper le tournis à défaut d'attraper le leurre :-)
Les carnassiers ont de bons réflexes, mais intercepter un morceau de plomb qui passe de 0 à 150 km/h en 1/10ème de seconde, c'est beaucoup leur demander... Si tant est qu'ils aient l'intention d'attaquer d'ailleurs, car il ne faut pas les prendre pour des billes, ils savent faire la différence entre un comportement inhabituel qui stimule leur curiosité, et un comportement surnaturel qui risque fort d'avoir l'effet inverse.
Autrement dit il faut les provoquer sans éveiller leur méfiance et en favorisant la séquence d'attaque. On y parvient en jouant sur l'amplitude et la vitesse du geste :
L'amplitude "standard" est de l'ordre de 70 cm. Parfois beaucoup moins (10 cm) pour du poisson réticent, parfois beaucoup plus (2 ou 3 mètres) mais il s'agit d'une manoeuvres spéciale qu'on n'utilise que de temps en temps et sans la répéter.
70 cm ça semble beaucoup mais c'est peu. Faites le test suivant : attachez un leurre et sortez un mètre de fil de la canne, posez le leurre à terre, placez le scion à environ 30 cm du sol et donnez un petit coup de poignet comme pour animer. Votre mouvement, bien qu'assez vif, doit s'arrêter avant que le leurre ne soit soulevé du sol. Ce test simple vous donne une idée assez précise de ce que doit être l'animation d'un leurre à dandiner.
La vitesse, ou plutôt l'accélération, est plus difficile à définir. Disons qu'il ne s'agit en aucun cas d'un ferrage énergique. C'est une tirée sèche, dont le bon dosage est souvent la clef du succés.
Trop sèche le poisson s'inquiète, pas assez sèche il risque d'éventer le piège (encore que...). Dans l'ensemble il est beaucoup plus fréquent d'être trop sec que pas assez, alors modérez vos ardeurs, et dans tous les cas si vous sentez du poisson qui tape sans se prendre, ralentissez la manoeuvre.
Ceci dit la bonne tirée varie avec l'humeur du poisson mais aussi avec le type de leurre, et il faut donc fréquemment chercher pour trouver la bonne "carburation". Le tout est de rester dans les limites du raisonnables.
L'idéal, pour apprendre rapidement, c'est de pêcher dans un endroit où il y a un bonne densité de perches, même petites : les touches seront nombreuses et elles vous feront vite comprendre ce qu'elles préfèrent.
Si l'amplitude et la vitesse sont bien maîtrisées, vous prendrez du poisson même en pêchant comme un métronome. Mais le but du jeu c'est bien sûr d'en prendre le plus possible, et de préférence plus que le copain ;-)
En variant l'animation on multiplie l'efficacité de cette technique par deux ou trois, au minimum. S'il y a un secret dans cette pêche c'est bien celui-là.
Varier l'animation cela veut dire varier l'amplitude comme la vitesse, et même introduire des ruptures de rytmes draconniennes allant de l'immobilité complète à la gigue endiablée mais de très courte durée. Nous verrons cela plus en détail, mais pour l'instant je mentionne les "manoeuvres" les plus classiques :
- Pause d'une ou deux secondes, sur le fond, au ras du fond ou en fin de tirée.
- Série de tirées très courtes et lentes entre deux séries de tirées ordinaires.
- Descente ou montée par palliers.
- Lente glissade du leurre.
Il existe des stratagèmes plus pointus, comme la non-animation ou la combinaison leurre à dandiner/appâts naturel, qui non seulement fait intervenir le sens olfalctif du poisson mais modifie notablement l'action du leurre.
Enfin, la dandine ne se limite pas à des aspects techniques, il y a également des aspects tactiques comme le choix d'un leurre plutôt qu'un autre, le choix des meilleures périodes pour la dandine par rapport aux autres techniques, certaines stratégies de prospection qui utilisent la dandine pour des raisons aussi bien psychologiques que techniques, etc.
Comme on le voit, la dandine est loin d'être la méthode poussiéreuse qui suscite l'ironie de certains, c'est au contraire une technique moderne, qui demande astuce, réflexion et savoir faire.
Et surtout, pratiquée à bon escient, c'est une pêche productive et riche en émotions.
Il faut, après une série ludique de perchettes frivoles, avoir ressenti l'inertie du beau brochet qui se laisse monter lentement avant d'ouvrir les hostilités, ou encore les coups de tête sourds et têtus du sandre qu'on n'attendait plus, pour vraiment apprécier les plaisirs de la pêche à la dandine.